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La technologie oculaire au service des personnes atteintes du syndrome de Rett: le passage d'ex


Résumé

L’être humain a une tendance naturelle à faire appel à ses yeux pour communiquer avec les autres. C’est pourquoi, pour un grand nombre de fillettes et de femmes atteintes du syndrome de Rett, la technologie oculaire – ou technologie de balayage visuel – constitue le meilleur mode d’accès à un dispositif de communication améliorée et alternative (CAA). Néanmoins, cette technologie ne parvient pas toujours à développer le plein potentiel des fillettes en matière de communication et d’apprentissage. Ainsi, lorsque l’on fournit à des fillettes l’occasion d’expérimenter l’utilisation de dispositifs de CAA par commande oculaire, il arrive que les critères préétablis de performance ou la disposition des pages-écrans nuisent au succès de ces expérimentations. Même lorsque des fillettes ont la possibilité d’utiliser un système de commande oculaire sur une base régulière, on ne leur fournit souvent que des ensembles de vocabulaire limités, jusqu’à ce qu’elles puissent démontrer qu’elles en ont acquis la maîtrise. Il importe que les éducateurs et les cliniciens recourent aux pages-écrans et aux stratégies qui se sont révélées des outils efficaces pour permettre aux fillettes atteintes du syndrome de Rett de ne plus se contenter de choisir des boutons ou de poser des questions, mais de tenir des conversations.

Judy Lariviere, M. Ed., OTR/L est une ergothérapeute et spécialiste de la technologie d’assistance, détentrice d’une maîtrise en Éducation spécialisée, qui travaille dans le domaine de la technologie d’assistance (y compris la communication améliorée et alternative) depuis plus de 26 ans. Elle est spécialiste de la communication à la Katie’s Clinic for Rett Syndrome & Related Disorders, de l’hôpital pour enfants Benioff d’Oakland (UCSF). Judy Lariviere œuvre auprès de fillettes et de femmes atteintes du syndrome de Rett depuis 18 ans. Elle travaille à trouver les meilleures façons, pour elles, d’accéder aux technologies de communication et d’alphabétisation, et à mettre au point des outils et des stratégies pour favoriser leur progrès scolaire. Elle a conçu, spécifiquement pour les patientes atteintes du syndrome de Rett, une variété de pages-écrans à utiliser au moyen de la technologie oculaire, qu’elle a expérimentées avec succès auprès de plus de 250 fillettes et femmes. Elle donne régulièrement des conférences aux États-Unis et ailleurs dans le monde, où elle témoigne de son travail avec les patientes atteintes du syndrome de Rett. De plus, elle enseigne à temps complet en tant que spécialiste de la technologie d’assistance au Disability Resource Center du Skyline College à San Bruno, en Californie. Judy Lariviere collabore présentement avec Pati King-De Baun à développer un programme de CAA interactif en ligne, sous le nom de “Teach Me AAC-Conversation, Language & Literacy (CLL) for Rett Syndrome”, qui sera offert sous peu. Elle a aussi mis au point des ensembles de pages-écrans personnalisées pour la technologie oculaire à l’intention des patientes atteintes du syndrome de Rett, de même que des lecteurs vidéo et des lecteurs de musique actionnés par commande oculaire pour enfants, pour adolescents et pour adultes avec le Tobii Communicator. Ces documents sont disponibles (en anglais) via le lien www.assistivetech4all.com.

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Figure 1. Fillette de trois ans assise sur les genoux de son père au cours d’une session avec Judy Lariviere à la Katie’s Clinic for Rett Syndrome & Related Disorders, de l’hôpital pour enfants Benioff d’Oakland (UCSF). Elle utilise le Tobii I-12 muni du logiciel Tobii Communicator, avec les pages-écrans personnalisées conçues par Judy Lariviere.

Contexte

La technologie oculaire procure aux personnes* atteintes du syndrome de Rett un moyen simple et indépendant d’accéder au monde de la communication et de l’alphabétisation. Grâce à cette technologie, les fillettes et les femmes atteintes du syndrome mettent à profit les mouvements de leurs yeux – qu’elles utilisent naturellement pour communiquer et interagir avec autrui – pour avoir accès à leur « voix », c’est-à-dire pour s’exprimer. Essentiellement, leurs yeux remplissent la fonction d’un index pour pointer, ce qui leur permet d’utiliser un dispositif de CAA à affichage dynamique et de naviguer de manière autonome d’une page-écran à une autre, pouvant ainsi exprimer leurs pensées et leurs sentiments au moment qu’elles le désirent et de la façon qu’elles le désirent. Étant donné son prix élevé, la technologie oculaire est souvent considérée comme la « Cadillac » des méthodes d’accès à un système de CAA.

Par conséquent, l’utilisation de cette méthode n’a, jusqu’à présent, été envisagée que dans les cas où une fillette ou une femme éprouvait de grandes difficultés à manipuler un écran tactile ou des commutateurs. Cependant, il n’y a actuellement aucune méthode d’accès à un dispositif de CAA dont l’apprentissage soit aussi aisé que la technologie oculaire, pour la plupart des patientes atteintes du syndrome de Rett. Cette avancée significative a été démontrée lors d’expérimentations auprès de plus de 250 fillettes et femmes atteintes du syndrome de Rett – dont l’âge variait entre deux et quarante ans – au cours desquelles elles ont appris à utiliser leur regard pour naviguer dans les pages-écrans personnalisées que j’avais mises au point. Ces pages-écrans ont été conçues expressément pour exploiter le mouvement naturel de leurs yeux : déplacement horizontal initial, suivi d’un déplacement vertical vers le haut ou vers le bas. Étant donné que ces pages-écrans sont installées sur le Tobii Communicator, elles fonctionnent sur tous les systèmes intégrés de contrôle oculaire de marque Tobii.**

*Étant donné que je n’ai utilisé la technologie oculaire qu’auprès de fillettes et de femmes atteintes du syndrome de Rett, n’ayant pas encore eu l’occasion d’expérimenter cette technologie auprès de garçons atteints du syndrome de Rett ou d’autres troubles associés à des mutations du gène MECP2, le présent article traite exclusivement de l’utilisation et des applications de la technologie oculaire chez les fillettes et les femmes atteintes du syndrome de Rett.

**Compte tenu de la sortie récente du logiciel NuVoice TM 2.0 pour l’appareil Accent 1200 de la compagnie Prentke Romich (PRC), doté de l’oculomètre NuEye TM, il me sera maintenant possible d’y programmer les mêmes pages-écrans, ayant la même forme et la même disposition des boutons sur les pages, que celles que j’avais conçues pour exploiter le mouvement naturel des yeux des patientes atteintes du syndrome de Rett. Ainsi, les mêmes ensembles de pages-écrans seront disponibles sous peu.

J’ai aussi, avec des fillettes et des femmes atteintes du syndrome de Rett, utilisé ces pages-écrans au moyen du périphérique PCEye Go, de Tobii, installé sur une tablette Windows comme Tobii EyeMobile (Figure 2) ou sur un ordinateur portatif. Le PCEye Go est un système de contrôle oculaire qui se branche directement dans le port USB d’une tablette Windows – y compris la tablette Surface Pro 3 ou 4 – ou d’un ordinateur portatif utilisant une plateforme Windows. Il constitue une option plus économique pour les écoles et les familles disposant déjà d’appareils informatiques, permettant ainsi aux fillettes et aux femmes atteintes du syndrome de Rett d’accéder de manière autonome à leur « voix », alors qu’elles n’y parviennent pas autrement.

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Figure 2. Affichage de la première page (Main Page) du Dynamic Communication Book for Girls (Manuel de communication dynamique à l’intention des filles) élaboré par Pati King-DeBaun sur le Tobii EyeMobile.

Depuis cinq ans, soit depuis le développement de la technologie oculaire en tant que moyen d’accès à des dispositifs de CAA portatifs fonctionnant à piles, un nombre croissant de fillettes et de femmes atteintes du syndrome de Rett ont pu en faire l’essai et l’adopter pour soutenir leur communication. Comme la technologie repose sur la tendance naturelle qu’elles ont développée de communiquer au moyen du regard, il leur est facile d’apprendre à utiliser leurs yeux pour sélectionner les boutons apparaissant sur des pages-écrans volontairement et de manière appropriée. J’ai conçu des ensembles personnalisés de pages-écrans exploitant le mouvement horizontal naturel et spontané des yeux, puis je les ai expérimentés auprès de plus de 250 fillettes et femmes atteintes du syndrome de Rett, provenant aussi bien de ma pratique privée que de la Katie’s Clinic for Rett Syndrome & Related Disorders à l’hôpital pour enfants Benioff d’Oakland (UCSF). Les patientes sont généralement arrivées à communiquer par commande oculaire dès les vingt premières minutes d’expérimentation. Depuis de nombreuses années, je travaille auprès de patientes atteintes du syndrome de Rett et j’ai expérimenté une grande variété de méthodes d’accès à des dispositifs de communication améliorée et alternative, incluant la sélection directe à l’aide des mains ou le balayage progressif à l’aide de commutateurs. J’en suis venue à la conclusion que la commande oculaire constitue – et de loin – pour la plupart de ces fillettes et de ces femmes, la façon la plus simple et la plus rapide d’accéder à un dispositif de CAA. En effet, on observe que puisqu’elles ont une tendance naturelle à communiquer par le regard, même les fillettes qui parviennent à toucher un écran ou à effectuer des sélections par manipulations utilisent d’abord leurs yeux avant de faire bouger leurs mains. En outre, après avoir travaillé avec plus de 150 patientes à la Katie’s Clinic for Rett Syndrome & Related Disorders, je n’ai observé qu’un ou deux cas de fillettes capables de faire fonctionner une application de communication sur iPad avec succès, en faisant usage de leurs mains. Ainsi, lorsque des fillettes utilisent leurs mains, leur habileté à communiquer est plus souvent limitée par leur manque de motricité que par leur capacité d’expression. En utilisant la technologie oculaire, les patientes atteintes du syndrome de rett parviennent à améliorer leur habileté à communiquer de manière spectaculaire.

Enjeux pour la réussite

Pour contribuer au succès des expériences de communication et d’alphabétisation des patientes atteintes du syndrome de Rett, il faut tenir compte d’une variété de facteurs particuliers. Par exemple, l’apraxie est un des principaux obstacles auxquels ces personnes doivent faire face. L’apraxie peut être définie comme « la difficulté qu’éprouve le cerveau à effectuer la planification automatique habituelle nécessaire à l’exécution de mouvements volontaires ». (http://www.rettsyndrome.org/for-families/glossary). La patiente atteinte d’apraxie éprouve de la difficulté à réaliser des activités motrices, particulièrement en réponse à une demande ou à un ordre; elle n’arrive pas à contrôler son corps de manière à fournir une réponse observable ou à exécuter le mouvement demandé. Cela ne signifie pas qu’elle ne comprend pas ce qu’il faut faire ou qu’elle n’a pas la capacité de le faire; c’est plutôt qu’elle ne parvient pas à exécuter le mouvement sur commande, surtout si cette commande est effectuée hors du contexte habituel. L’apraxie a des répercussions sur tous les mouvements, y compris les mouvements des yeux. L’incapacité ou la lenteur d’une patiente atteinte du syndrome de Rett à fournir une réponse à une commande sont souvent interprétées, à tort, comme une inaptitude à comprendre les consignes ou encore, comme une ignorance du concept en cause, nécessitant des explications supplémentaires. Pourtant, il arrive souvent que la cause réelle en soit l’apraxie.

Il importe de reconnaître que lorsqu’une patiente effectue un mouvement spontanément, soit de sa propre initiative ou en réponse à une vive émotion, les effets de l’apraxie sont généralement atténués. Par exemple, les enseignants et les thérapeutes remarquent que les fillettes qui utilisent, lors d’expérimentations prolongées de balayage visuel, un système de CAA muni d’un dispositif de commande oculaire qui leur a été prêté à l’école ou à la maison, parviennent toujours à repérer leur « page musicale », même si elles doivent d’abord parcourir plusieurs pages pour y accéder. Citons par exemple le cas d’une fillette de 10 ans qui avait suivi une expérimentation prolongée avec un Tobii C12 muni du module PCEye, à l’aide d’un ensemble de mes pages-écrans personnalisées. Elle dut cesser d’utiliser le dispositif pendant huit mois, par suite de modifications des assurances familiales qui occasionnèrent un retard dans l’obtention du financement. Après cette période, lorsqu’on lui fit expérimenter le Tobii I-12 à l’aide du même ensemble de pages-écrans, elle effectua immédiatement les choix suivants : « Goodbye » (Au revoir) pour sélectionner une page spécifique, puis de nouveau « Goodbye » et « Gotta go » (Je dois partir). Elle me regarda ensuite pour m’indiquer clairement à quoi elle pensait. Quand son professeur s’approcha d’elle et répondit : « Je ne crois pas », la fillette sélectionna immédiatement la commande « Something’s wrong » (Quelque chose ne va pas) et, sur la page obtenue, « I need a break » (J’ai besoin d’une pause), puis sur la nouvelle page obtenue, choisit la commande « I want to listen to music » (Je veux écouter de la musique), pour ensuite choisir son vidéoclip préféré sur cette page. Soulignons qu’elle avait ainsi pris un détour pour parvenir à sa page musicale, mais que ce cheminement lui avait été suggéré par les expérimentations effectuées huit mois auparavant. Les fillettes atteintes du syndrome de Rett démontrent toujours un très grand intérêt pour leur musique ou leurs vidéos favorites, les livres constituant habituellement leur deuxième champ d’intérêt favori.

On arrive habituellement à surmonter les difficultés liées à l’apraxie d’une fillette en la conseillant avec douceur et en lui parlant de façon naturelle – plutôt que de lui donner des consignes – et en attendant tranquillement une réponse de sa part, aussi subtile soit-elle. Par exemple, lorsqu’on lit un livre avec elle, il sera beaucoup efficace de lui dire : « Oh ! Je vois un joli papillon avec des ailes violettes » plutôt que « Regarde le papillon » ou encore « Trouve le papillon ». Une autre approche consiste à dire à la fillette qu’on a observé qu’elle regardait quelque chose – « Je vois que tu regardes le papillon » – puis à lui passer un commentaire du genre « Il a de belles ailes violettes ». Il est important de réagir à ses réponses et de lui montrer qu’on a compris. Très souvent, la fillette vous regardera spontanément ou vous sourira pour vous manifester son accord. Vous pouvez utiliser une démarche similaire lorsque vous lisez un livre avec une fillette qui utilise un dispositif de commande oculaire sur une base régulière, en faisant en sorte que les commentaires, les mots de base et les descriptions que vous employez soient aussi près que possible des exemples auxquels elle est habituée. Attendez sa réponse, qui pourra prendre la forme d’un geste de sa part ou de sélections sur le système de commande oculaire.

La régulation sensorielle est un autre facteur important à considérer chez les filles atteintes du syndrome de Rett. Si une fillette a des problèmes de modulation sensorielle, elle pourra être trop réactive, ou pas assez, à différentes formes de messages sensoriels. Parmi les différentes formes de messages sensoriels traités par un individu, on retrouve les systèmes sensoriels visuel, auditif, tactile, gustatif et olfactif, de même que la proprioception (ou perception de la position du corps dans l’espace sans faire appel à la vue) et le système vestibulaire qui contribue à la sensation de mouvement (Biel, 2014; Biel & Peske, 2009). Il existe une autre donnée sensorielle dont on fait rarement état, mais qui affecte grandement l’attention d’une fillette et sa participation à toute activité, soit l’intéroception (Taylor, 2006). Il s’agit de la perception qu’a une personne de la faim, de la soif, du fonctionnement de son système gastro-intestinal, de son degré de fatigue basé sur la quantité et la qualité du sommeil, et sur le niveau de stress ou d’anxiété. Vous pourrez trouver des informations supplémentaires concernant les désordres du processus sensoriel à l’adresse http://sensorysmarts.com/index.html.

Étant donné que le degré de régulation sensorielle d’une fillette a une influence sur son habileté à communiquer, à réaliser des apprentissages et à faire la démonstration de « ce qu’elle connaît » au moyen d’une réaction motrice, j’ai conçu des tableaux qui décrivent divers niveaux de régulation sensorielle et peuvent servir d’indications du moment où une fillette est disposée à communiquer, à participer et à apprendre. Nous avons utilisé ces tableaux dans des classes et lors de séances de thérapie afin d’aider les éducateurs, les cliniciens et les parents à déterminer le degré de régulation sensorielle d’une fillette. Ces tableaux ressemblent à une fusée s’apprêtant à décoller; ainsi, les fillettes sont « prêtes » lorsque leurs réactions à des messages sensoriels se retrouvent au niveau 1.

J’ai mis au point des tableaux distincts pour les fillettes qui ont besoin d’aide pour marcher ou se tenir debout (Figure 3) et celles qui peuvent marcher sans aide (Figure 4); en effet, ces deux groupes de personnes atteintes du syndrome de Rett ont souvent des profils sensoriels différents, de sorte qu’elles réagissent différemment aux messages sensoriels.

Il importe de toujours réagir aux efforts de communication d’une patiente et de lui démontrer qu’on a compris.

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Figure 3. Tableau des niveaux de réactions à des messages sensoriels, élaboré par Judy Lariviere. Le tableau décrit divers niveaux de régulation sensorielle chez une fillette qui a besoin d’aide pour marcher ou se tenir debout.

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Figure 4. Tableau des niveaux de réactions à des messages sensoriels, élaboré par Judy Lariviere. Le tableau décrit divers niveaux de régulation sensorielle chez une fillette qui peut marcher et se lever d’une position assise sans aide.

Il importe que les éducateurs, les cliniciens, les parents et autres partenaires de communication d’une fillette atteinte du syndrome de Rett demeurent constamment à l’affût des manifestations de dérèglement de son système sensoriel, par exemple d’un niveau 1 (vert) à un niveau 2 (jaune), tel qu’indiqué à la Figure 5. Lorsque l’on reconnaît ces indicateurs, il est important de lui faire prendre une « pause sensorielle » pour la ramener au niveau 1 avant de poursuivre la leçon ou la session de thérapie. Si les signaux passent inaperçus ou si l’on omet de donner à manger ou à boire à l’enfant avant l’heure prévue pour la « collation » ou le « repas », alors son système sensoriel passera généralement au niveau 3 de régulation sensorielle. La fillette pourrait alors s’endormir ou simplement fermer les yeux pour mettre fin à l’arrivée de messages sensoriels.

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Figure 5. Tableau de régulation sensorielle, élaboré par Judy Lariviere. Le tableau illustre au moyen d’un code de couleurs les divers niveaux de régulation sensorielle d’une fillette selon sa façon de réagir aux messages sensoriels issus de son environnement. Le tableau comporte une description des stratégies à adopter pour aider la fillette à revenir au niveau 1 de régulation sensorielle, où elle est disposée à communiquer et à réaliser des apprentissages.

La facilité d’accès joue un rôle clé dans la révélation du véritable potentiel de communication de personnes atteintes du syndrome de Rett

Expérimentation de dispositifs de commande oculaire

Même si un nombre grandissant de fillettes et de femmes ont l’occasion d’expérimenter l’utilisation de dispositifs de CAA dotés d’une technologie de commande oculaire, il arrive que les critères préétablis de performance ou la disposition des pages-écrans nuisent au succès de ces expérimentations. De plus, il faut comprendre que les dispositifs de CAA munis d’une technologie oculaire NE SONT PAS TOUS IDENTIQUES. Lorsqu’on examine un système de commande oculaire, il est primordial de prendre en compte la posture de la fillette, de même que ses mouvements naturels, en fonction des dimensions de la boîte de l’oculomètre* du système. Cette « boîte » est une zone invisible située devant les caméras de l’oculomètre et à l’intérieur de laquelle les yeux, la tête et le corps de la fillette peuvent se déplacer tout en continuant d’être captés par l’appareil. Les dimensions de boîte varient d’un système de commande oculaire à un autre et sont définies en termes de hauteur (pour les mouvements verticaux), de largeur (pour les mouvements latéraux) et de profondeur (pour les mouvements vers l’avant ou vers l’arrière). Les dimensions de la boîte déterminent quelle sera la distance optimale entre les yeux de l’utilisatrice et le système de commande oculaire, cette distance se situant généralement entre 60 et 70 cm. Il est essentiel de choisir le système oculaire en fonction des caractéristiques naturelles et spontanées du regard de la fillette, des mouvements de sa tête et du haut du corps, de même que de sa posture lorsqu’elle est assise ou debout. Il n’est pas toujours préférable de choisir un écran plus grand : si, par exemple, l’étendue des mouvements oculaires naturels d’une fillette est réduite, il sera inutile d’opter pour un grand écran.

*L’oculomètre est l’appareil permettant de mesurer les mouvements des yeux – en anglais : eye tracker ou eye tracking system. (N.D.L.T.)

Les fillettes capables de marcher sans aide peuvent, elles aussi, communiquer au moyen d’un système de commande oculaire. Selon mon expérience, il arrive souvent que des fillettes se dirigent d’elles-mêmes vers un tel dispositif placé sur une table dans une pièce commune de la maison (par exemple, le salon ou la cuisine) à laquelle elles peuvent accéder sans aide. Dans ce cas, il faut s’assurer que le système soit positionné à une hauteur adéquate et à la bonne distance des yeux de la fillette, de manière que celle-ci puisse rester debout et commencer à communiquer en effectuant les sélections appropriées.

Depuis cinq ans, on trouve dans le commerce une variété de systèmes de commande oculaire qui peuvent être installés sur des appareils portatifs spécialisés en CAA et, plus récemment, sur des tablettes Windows, des ordinateurs portatifs ou des ordinateurs de bureau munis d’un moniteur externe. Bien que le présent article mette l’accent sur un petit nombre de systèmes que j’ai expérimentés et qui ont bien fonctionné – et de façon régulière – pour la plupart des patientes atteintes du syndrome de Rett, il existe aussi beaucoup d’autres systèmes qui pourraient être utilisés avec profit, mais que nous n’analyserons pas ici. Soulignons simplement qu’il est primordial qu’une patiente effectue des tests préalables avec tout système de commande oculaire que l’on envisage lui fournir comme mode de communication. Il est également important de lui faire tester au moins deux systèmes, de manière que l’on puisse comparer la facilité avec laquelle elle peut utiliser chacun.

Pour qu’une fillette atteinte du syndrome de Rett réalise avec succès une tâche ou une activité, il importe de créer un équilibre entre les sollicitations sur le plan de la motricité et les objectifs souhaités en termes d’apprentissage ou de communication. Les expérimentations de contrôle oculaire constituent une nouvelle approche de la communication améliorée et alternative, comportant des exigences accrues sur le plan moteur. C’est pourquoi j’évite de faire calibrer (étalonner) le système par une fillette lors de ses premières expérimentations, bien que cette façon de faire soit plutôt inhabituelle dans le domaine de la technologie oculaire.

En effet, demander à une fillette de fixer son regard sur une série de cinq boutons dans un ordre déterminé – même lorsque l’on utilise une photo ou un vidéoclip hautement motivant – amplifie son apraxie. Pour éviter que les yeux de la fillette se fatiguent rapidement au cours du processus de calibration du système oculaire ou que celui-ci soit mal réalisé, je demande à son père ou à sa mère d’effectuer une phase de calibration en neuf points, ce qui est possible étant donné que les caractéristiques génétiques des yeux des parents sont rapprochées de celles des yeux de leur fillette. Ainsi, la calibration du système utilisé par la fillette est de grande qualité, comme on peut le voir à la Figure 6.

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Figure 6. Capture d’écran du résultat de calibration réussi à partir d’une phase de calibration en neuf points sur un Tobii I-12. Les marques au centre des cercles indiquent que la personne a fixé son regard sur le stimulus visuel présenté au cours du processus de calibration.

Après qu’il a été calibré par un des parents de la fillette, j’installe le système en déterminant la position des yeux de la fillette dans la fenêtre de repérage (Track Status Window). Je repositionne le système de manière que les yeux de la fillette soient représentés au centre de la fenêtre de repérage et que le pointeur – c.-à-d. la flèche blanche – apparaisse dans la zone verte, indiquant ainsi que le système est situé à une bonne distance des yeux de la fillette pour un repérage optimal de la localisation de ses yeux (Figure 7).

Principe de base : pour qu’une fillette ait du succès, il faut créer un équilibre entre les sollicitations sur le plan de sa motricité et les objectifs souhaités en termes d’apprentissage ou de communication.

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Figure 7. Capture d’écran de la fenêtre de repérage (Track Status Window) sur un Tobii I-12, indiquant que le système de commande oculaire est branché. Les deux cercles blancs indiquent la position des yeux de la fillette relativement à l’appareil de commande oculaire ou aux caméras. La flèche blanche apparaissant dans la zone verte médiane à droite de la fenêtre indique que le dispositif est placé à une bonne distance des yeux de la fillette.

En gros, les fillettes utilisant la technologie oculaire sont tenues de faire deux actes moteurs. Elles doivent d’abord balayer l’écran du regard afin de trouver le bouton qu’elles désirent sélectionner, puis fixer leur attention visuelle sur ce bouton pendant un laps de temps prédéterminé afin d’en faire la sélection. Par conséquent, il importe de réduire les exigences en ce qui concerne la communication et l’apprentissage. En fonction de ce principe, lorsque j’effectue les premières expérimentations de technologie oculaire avec une fillette ou avec une femme, il m’arrive souvent d’insérer, parmi les pages-écrans proposées, une page-écran comportant des photos d’elle-même et de membres de sa famille, et de lui montrer cette page en priorité. Les recherches auprès de fillettes atteintes du syndrome de Rett démontrent qu’elles ont une tendance naturelle à regarder des personnes et à fixer leur attention sur leur visage et sur leurs yeux plutôt que de regarder des objets (Djukic et McDermott, 2012; Djukic, McDermott, Mavrommatis et Martins, 2012). L’existence d’une page-écran montrant des membres de sa famille aide la fillette à commencer à utiliser la technologie rapidement, puisqu’elle voudra naturellement regarder sa mère, son père ou d’autres personnes de la famille, ou encore son animal de compagnie. J’utilise cette méthode pour donner à la fillette l’occasion de me présenter les membres de sa famille, et de se présenter elle-même. De plus, je programme des contenus à grande motivation en choisissant les vidéoclips préférés de la fillette comme facteurs de motivation, et en y insérant des clips moins connus, afin que je puisse évaluer sa capacité à utiliser le système pour sélectionner ses vidéoclips préférés. Les fillettes arrivent toujours à trouver leurs vidéos favoris et à les sélectionner. Cette approche contribue également à réduire au minimum les effets de l’apraxie au cours de l’expérimentation de technologie oculaire, étant donné que les fillettes ont un rapport émotionnel intense avec les membres de leur famille et avec leurs clips favoris, qu’elles peuvent reconnaître à partir d’une capture d’écran du personnage de série télévisée (p. ex. Dora ou Doc McStuffin), du film ( p. ex. Elsa, du film Frozen) ou de l’artiste ou groupe musical (p. ex. One Direction ou Taylor Swift, pour les fillettes plus âgées). Au cours de l’expérimentation de technologie oculaire avec la fillette, je pratique aussi devant elle comment arrêter un vidéoclip ou le faire jouer de nouveau lorsqu’il est terminé, et comment sélectionner un bouton de la page qui la ramènera à une page musicale où elle pourra choisir un clip différent. Lorsqu’elle a sélectionné un clip à deux ou trois reprises, je me déplace vers la page de commentaires (Comments) et je nomme les choix qui lui sont offerts en pointant vers chacun des boutons. Je m’assure de toujours pointer vers la partie supérieure des boutons par en haut, de manière à ne pas masquer l’oculomètre, qui est généralement localisé au bas du système. Dans la plupart des cas, la fillette choisira le commentaire se rapportant à la demande de répétition d’un clip particulier.

Lorsque j’utilise la technologie oculaire avec des fillettes, je règle généralement la durée de fixation du regard entre 500 et 600 millisecondes, puis je l’ajuste au besoin à un intervalle plus court ou plus long selon la durée naturelle de l’attention visuelle de la fillette ou de sa fixation d’un bouton. La durée de fixation du regard ne constitue pas une habileté motrice qu’il faut améliorer ou inclure dans un plan d’enseignement individualisé. Jamais, au cours des expérimentations de commande oculaire effectuées avec des patientes atteintes du syndrome de Rett, il ne m’a fallu régler la durée de fixation du regard à une seconde ou davantage. Une fillette ne peut parvenir physiquement à fixer son regard ou son attention sur un bouton pendant une durée aussi longue afin de le sélectionner. J’utilise régulièrement l’horloge rouge comme signal visuel à l’intention des fillettes et de leurs partenaires de communication. L’utilisation de l’horloge comme signal visuel permet aux intervenants qui travaillent avec la fillette de remarquer à quel moment elle fixe partiellement un bouton, tout en ne le regardant pas suffisamment longtemps pour le sélectionner. Cela leur fournit de précieuses informations sur la durée de fixation du regard qui a été déterminée et sur sa concordance avec la durée naturelle de l’attention visuelle de la fillette ou de sa fixation des objets. De plus, l’horloge les renseigne sur les mouvements naturels des yeux de la fillette et, s’il y a lieu, sur ses difficultés à accéder aux boutons situés en périphérie de la page, qui sont illustrés par des cercles incomplets, alors que bien qu’elle regarde les boutons, elle ne les fixe jamais assez longtemps pour les sélectionner.

Au mois de mai 2014, l’entreprise Tobii ATI a mis sur le marché le Tobii Gaze Viewer, un appareil qui enregistre les différentes zones d’un ensemble de pages auxquelles une fillette porte son regard pendant une session pouvant atteindre 30 minutes. Au cours du processus, un enregistrement sonore est également réalisé. On peut créer des images isolées et des vidéos de cartes thermiques (heat maps) et de graphiques de données oculométriques (gaze plots), qui permettent de voir à tout moment à quel endroit de l’écran la fillette regarde et quels sont ses parcours oculaires lorsqu’elle regarde divers boutons d’un ensemble de pages du Tobii Communicator. J’utilise maintenant le Tobii Gaze Viewer au cours de mes expérimentations de commande oculaire auprès de fillettes pour décrire en détail leurs parcours oculaires naturels. L’appareil enregistre également les sélections effectuées par la fillette tout au cours des expérimentations, ce qui peut éventuellement constituer des données pertinentes à l’appui du processus de financement. Bien que le Tobii Gaze Viewer soit d’une grande utilité pour enregistrer les résultats d’expérimentations de commande oculaire, je recommande aussi de filmer les sessions, ce qui permet d’observer l’utilisation que fait la fillette de sa gestuelle naturelle ou de la communication non assistée, conjointement avec les sélections qu’elle fait. Ces formes de communication confirment que les sélections de la fillette sont intentionnelles et significatives.

Chaque fois que vous utilisez un système de commande oculaire avec une fillette, il importe que vos interactions avec elle soient naturelles et significatives. Ce n’est pas si simple : dire à une fillette « Regarde ceci … » ou « Trouve l’image de cela … » amplifie son apraxie et l’empêche d’exprimer son plein potentiel ou de démontrer son habileté à utiliser un système de commande oculaire. Étant donné que la commande oculaire constitue une nouvelle façon pour elle de s’exprimer, elle commettra sans doute des erreurs de sélection. Cependant, une fillette vous fera généralement savoir d’une manière ou d’une autre qu’elle a sélectionné le mauvais bouton. Citons par exemple le cas d’une expérimentation de commande oculaire effectuée auprès d’une femme de 29 ans atteinte du syndrome de Rett à la Katie’s Clinic for Rett Syndrome & Related Disorders. Auparavant, elle avait expérimenté le DynaVox EyeMax pendant un mois, avec le concours d’une orthophoniste de sa communauté. Étant donné les difficultés qu’elle avait éprouvées à calibrer et à utiliser le système, il avait été établi qu’elle était incapable de se servir de la technologie oculaire. Avant son rendez-vous en clinique, son père m’a fourni quelques titres des chansons qu’elle écoutait régulièrement, principalement des chansons de Patsy Cline. J’ai intégré quelques-uns de ces vidéoclips dans l’ensemble des pages-écrans personnalisées que j’ai installées dans le Tobii Communicator du système de commande oculaire Tobii. J’ai aussi ajouté quelques vidéoclips tirés de la saison de l’émission American Idol comportant les participations de Scotty McCreery, Laureen Alaina et James Durbin. La jeune femme a d’abord sélectionné les chansons de Patsy Cline qui lui étaient familières, puis elle a commencé à explorer d’autres options, sélectionnant fréquemment des chansons de James Durbin. À un moment donné de l’expérimentation, on l’a vue sélectionner un artiste, pour ensuite revenir immédiatement à la page des choix musicaux. Alors qu’elle tentait de sélectionner un bouton à l’extrême droite de l’écran afin d’obtenir des vidéoclips de James Durbin, elle a choisi par accident le bouton à la gauche de celui qu’elle voulait, après quoi elle est revenue immédiatement à la page des choix musicaux, sélectionnant cette fois avec succès le chanteur James Durbin, puis le clip « Will you love me tomorrow ? », localisé à gauche de la ligne médiane. Dès le début du clip, elle a exprimé sa satisfaction d’écouter la musique qu’elle désirait. Auparavant, elle était restée silencieuse, toute son attention concentrée sur le système de commande oculaire, occupée à effectuer de nombreuses sélections la menant à la page comportant les vidéoclips enregistrés lors du passage de James Durbin à l’émission American Idol.

Il y a certains ajustements que j’effectue fréquemment lors des premières sessions d’expérimentation d’un système avec une fillette et même lors d’expérimentations prolongées, afin de réduire encore davantage les sollicitations sur le plan de sa motricité liées à l’utilisation de la technologie oculaire et, ainsi, améliorer son accès à la communication. Lorsque j’observe qu’un des yeux de la fillette dévie vers l’intérieur, un problème appelé « ésotropie », ou vers l’extérieur, l’« exotropie », ( http://en.wikipedia.org/wiki/Esotropia) je modifie les réglages de manière que le système ne suive que les mouvements de l’autre œil de la fillette. Étant donné que ces réglages peuvent limiter l’ampleur des mouvements oculaires de la fillette sur l’écran, je réduis la taille de la fenêtre dans le Tobii Communicator et replace celle-ci à l’endroit de l’écran convenant le mieux aux mouvements naturels du regard de la fillette (Figure 8).

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Figure 8. Capture d’écran de la page intitulée « Run View » du Tobii Communicator. On a réduit la hauteur et la largeur de la page à 80 pourcent des dimensions de l’écran et ramené la page à la portion supérieure gauche de l’écran.

Pour effectuer ces réglages dans le Tobii Communicator et améliorer la facilité d’utilisation par la fillette du système, il suffit d’aller au « File Menu » (Menu Fichier), puis de sélectionner l’option « Page Set Properties » (Propriétés de l’ensemble de pages) (Figure 9). Même si une partie du bureau du dispositif ou de l’ordinateur est représentée hors du Tobii Communicator, les sélections de la fillette demeurent limitées aux boutons affichés sur une page du Tobii Communicator.

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Figure 9. Capture d’écran de la page intitulée « Page Set Properties » (Choix des propriétés des pages) du Tobii Communicator, montrant les réglages à effectuer pour réduire une page à 80 pourcent des dimensions de l’écran et ramener la page à la portion supérieure gauche de l’écran.

Lorsque l’équipe des intervenants auprès d’une fillette, y compris ses parents, ont à sélectionner le système de commande oculaire qui lui conviendra le mieux, selon les résultats des expérimentations initiales ou prolongées, le critère principal doit être l’accessibilité du système. Les facteurs à considérer durant le processus d’évaluation incluent la facilité avec laquelle la fillette est parvenue à sélectionner des boutons à n’importe quel endroit de l’écran, sur des pages différentes et lors de journées différentes au cours desquelles ses réactions à des messages sensoriels se situaient au niveau 1 – de sorte qu’elle était attentive et appliquée – , de même que la qualité du suivi des yeux de la fillette par le système lors de changements de position de ceux-ci (par suite de mouvements de la tête, de balancements de la tête ou du corps vers l’avant ou l’arrière lorsque la fillette est assise, ou de déplacements de la fillette vers le système selon des angles différents, etc.) Si on a conclu que l’accessibilité pour la fillette était la même pour les deux systèmes expérimentés, alors d’autres critères, comme le système linguistique ou la connaissance de la programmation d’un dispositif de CAA particulier, peuvent aider à choisir le système « parfait ». On peut ensuite commencer le processus de demande de financement pour ce système.

Les facteurs qui doivent entrer en ligne de compte lors d’expérimentations en technologie oculaire et les réglages à effectuer pour faciliter l’accès d’une fillette au système selon les éléments qu’elle choisit ou pas de sélectionner sont si nombreux que je pourrais consacrer un article complet sur ce sujet uniquement. J’élabore présentement un cours en ligne qui sera disponible par l’intermédiaire de la Rett University et qui comportera des informations détaillées sur la mise en place et la conduite d’expérimentations en technologie oculaire avec différents systèmes de commande oculaire, en tenant compte notamment des éléments suivants : la calibration, le positionnement, les informations à fournir lors une demande de financement auprès d’une assurance ou d’un programme gouvernemental pour l’obtention d’un processeur de synthèse vocale muni d’un accessoire de commande oculaire, les comparaisons entre les dispositifs munis d’un accessoire de commande oculaire exclusivement destinés à la communication améliorée et alternative et les tablettes munies d’un système de commande oculaire via un port USB, les différentes options d’installation, les objectifs des programmes d’enseignement individualisé, le rôle des applications logicielles dans l’enseignement des relations de cause à effet, le suivi du regard, etc., pour contrôler un ordinateur par la technologie oculaire. J’y expliquerai également en détail les étapes de l’installation initiale d’un dispositif de CAA muni de la technologie oculaire, de même que des stratégies à adopter pour susciter des conversations chez les fillettes. Ce cours en ligne sera disponible sur le site de la Rett University (http://www.rett-u.org/).

Que faire lorsque le financement a été accordé ?

À l’heure actuelle, on n’a pas à réinventer la roue pour programmer du vocabulaire à l’intention d’une patiente atteinte du syndrome de Rett sur un système de commande oculaire utilisant le Tobii Communicator. Lorsqu’on considère le nombre de boutons par page et le nombre de pages qu’une fillette peut apprendre à utiliser, on aura avantage à penser en termes de « davantage plutôt que moins ». Même lorsque des fillettes ont la possibilité d’utiliser un système de commande oculaire sur une base régulière, on ne leur fournit souvent que des ensembles de vocabulaire limités, visant particulièrement à les aider à faire des sélections et à exprimer leurs désirs ou leurs besoins, jusqu’à ce qu’elles puissent démontrer qu’elles en ont acquis la maîtrise. Il m’est arrivé de voir des pages ne comportant que deux boutons très gros, qui n’offraient le choix qu’entre deux possibilités. Il y a plusieurs années, lorsque j’ai commencé à consulter Pati King-DeBaun dans le cadre du programme Standing Tall (Fier d’être soi-même) à New York, elle venait de concevoir son Dynamic Communication Book (Manuel de communication dynamique) pour les étudiants du programme ayant des besoins complexes en communication (King-DeBaun, 2012). Le Dynamic Communication Book créé par Pati King-DeBaun est un système de communication qui incorpore du vocabulaire pour aider à la conversation, à l’alphabétisation et au langage. Le Dynamic Communication Book était alors présenté sous forme imprimée et configuré dans le logiciel Speaking Dynamically Pro, de Mayer-Johnson, selon la disposition traditionnelle de rangées et de colonnes (Figure 10).

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Figure 10. Capture d’écran de la page de démarrage du Dynamic Communication Book for Girls (Manuel de communication dynamique à l’intention des filles) élaboré par Pati King-DeBaun. Cette page est représentée dans le logiciel Speaking Dynamically Pro, de Mayer-Johnson.

À cette époque, Pati m’a donné la permission d’effectuer la programmation du Dynamic Communication Book for Girls (Manuel de communication dynamique à l’intention des filles) dans le Tobii Communicator en me référant aux pages-écrans protégées par droit d’auteur que j’avais mises au point spécifiquement pour les patientes atteintes du syndrome de Rett et que j’avais basées sur le mouvement naturel de leurs yeux (Figures 11 et 12).

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Figure 11. Capture d’écran de la page de démarrage du Dynamic Communication Book for Girls (Manuel de communication dynamique à l’intention des filles) élaboré par Pati King-DeBaun. Cette page est représentée dans le Tobii Communicator.

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Figure 12. Capture d’écran de la page de conversation du Dynamic Communication Book for Girls (Manuel de communication dynamique à l’intention des filles) élaboré par Pati King-DeBaun, telle que représentée dans une page-écran de Judy Lariviere. Cette page est représentée dans le Tobii Communicator.

Le Dynamic Communication Book de Pati King-DeBaun comporte des phrases types, des mots de vocabulaire classés par catégories, des pages se rapportant spécifiquement à diverses activités comme magasiner, regarder la télé ou parler au téléphone, des amorces de phrases pour l’utilisation des temps présent et passé, de même qu’un alphabet. Les fillettes, les adolescentes et les jeunes femmes qui ont utilisé le Dynamic Communication Book for Girls sur un dispositif de commande oculaire Tobii ont réalisé des progrès spectaculaires dans leur capacité à communiquer et ce, sur une période relativement courte. Les phrases types ont permis aux fillettes d’engager des conversations avec leur partenaire de communication – ou de participer à des conversations engagées par d’autres – naturellement et spontanément, en effectuant des commentaires, en posant des questions, et en décrivant des événements vécus. L’usage de phrases types a augmenté la capacité des fillettes à devenir des partenaires à part égale dans les conversations. Lorsqu’elles utilisent le Dynamic Communication Book, les fillettes se montrent intéressées, très motivées et participent pleinement aux interactions sociales, de sorte qu’elles manifestent leur véritable potentiel de communication aussi bien à la maison qu’à l’école. Ces résultats auprès de fillettes atteintes du syndrome de Rett sont conformes à ceux qui ont été obtenus dans les recherches qui appuient l’usage de phrases types pour accroître les interactions spontanées d’autres utilisateurs de CAA et leur participation avec leurs partenaires de communication (Erickson, 2007). Ainsi, les patientes atteintes du syndrome de Rett doivent avoir accès à des phrases qui leur permettent d’engager et de poursuivre des conversations avec leurs pairs et leurs partenaires de communication. Ces phrases doivent aussi se retrouver sur les dispositifs qui utilisent le vocabulaire de base en tant que système linguistique.

Les fillettes profitent également de l’accès à des pages basées sur des contextes ou représentant des activités spécifiques pour exprimer leurs opinions au moyen de commentaires et poser des questions au cours d’activités récréatives, ce qui favorise leur participation active à la maison, à l’école ou dans leur communauté. Les activités du Dynamic Communication Book incluent : jouer à la poupée, se déguiser, cuisiner et magasiner (Figure 13)

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Figure 13. Capture d’écran de la page intitulée « Activities » (Activités) du Dynamic Communication Book for Girls (Manuel de communication dynamique à l’intention des filles) élaboré par Pati King-DeBaun, telle que représentée dans une page-écran de Judy Lariviere. Cette page est représentée dans le Tobii Communicator.

J’ai élaboré une version adaptée du Dynamic Communication Book pour des fillettes âgées de neuf ans et plus, qui comporte des commentaires adaptés à leur âge et des activités supplémentaires, comme s’habiller, passer des remarques sur les films (Figures 14 et 15), la musique ou la mode.

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Figure 14. Capture d’écran de la page intitulée « Movies » (Cinéma) créée par Judy Lariviere dans le Dynamic Communication Book for Girls (Manuel de communication dynamique à l’intention des filles) élaboré par Pati King-DeBaun, telle que représentée dans une page-écran de Judy Lariviere. Cette page est représentée dans le Tobii Communicator.

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Figure 15. Capture d’écran de la page intitulée « Movies Comment » (Commentaires sur les films) créée par Judy Lariviere dans le Dynamic Communication Book for Girls (Manuel de communication dynamique à l’intention des filles) élaboré par Pati King-DeBaun, telle que représentée dans une page-écran de Judy Lariviere. Cette page est représentée dans le Tobii Communicator.

Album des expériences de vie

Nous aimons tous partager des anecdotes et des photos sur nos expériences de vie, comme en témoigne l’immense popularité des médias sociaux. Il est donc important que les fillettes atteintes du syndrome de Rett puissent disposer de photos personnelles sur leur système de commande oculaire, de manière qu’elles puissent raconter elles aussi leurs expériences de vie. Il y a plusieurs façons de créer un tel album sur un système. Habituellement, j’élabore un ensemble différent de pages intitulé « News » (Actualités), intégré à la page d’accueil de la fillette et connecté à la page « News » du Dynamic Communication Book, de sorte que la fillette puisse y accéder à partir de différents endroits. Lorsque les parents d’une fillette me fournissent des photos d’événements importants de sa vie, comme des fêtes d’anniversaires, des vacances, des activités scolaires, etc., je crée un lien entre ces photos et un bouton de sa page thématique d’infos (Figure 16), à partir duquel elle peut ouvrir une page affichant une version agrandie de la photo. J’insère des « coups de cœur » sur ces pages, afin que la fillette puisse émettre des commentaires sur la photo en en regardant différentes parties de manière naturelle. Étant donné qu’une fillette a une tendance naturelle à fixer son regard sur des photos d’elle-même ou sur d’autres personnes apparaissant sur les photos, je programme les coups de cœur de façon qu’ils disparaissent après avoir été sélectionnés une première fois (Figure 17), afin d’éviter qu’elle les choisisse à répétition. Lorsque la fillette sort de la page ou reçoit de l’aide pour accéder à une autre page, les coups de cœur sur la photo redeviennent actifs, de sorte qu’elle puisse de nouveau commenter la photo lorsqu’elle reviendra à la page. J’utilise l’album sur le dispositif de commande oculaire d’une fillette pour l’aider à écrire, en créant des activités où la fillette sélectionne un thème au moyen d’une photo, puis commente la photo en rédigeant une étiquette, une légende ou encore une phrase relatant son expérience. J’emploie le vocabulaire de base et les amorces de phrases présentées dans le Dynamic Communication Book pour aider les fillettes lors de leurs premières expériences d’écriture, au moyen d’une « orthographe inventée ». Ce travail se fait en collaboration avec un ou une partenaire aidant la fillette à choisir les lettres dans un folioscope constitué des lettres de l’alphabet.

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Figure 16. Capture d’écran d’une page intitulée « News » (Infos) concernant la sortie d’une adolescente à l’aquarium, créée par Judy Lariviere. Cette page est représentée dans le Tobii Communicator.

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Figure 17. Capture d’écran d’une page intitulée « Photo » des coups de cœur d’une adolescente lors d’une sortie à l’aquarium, créée par Judy Lariviere. Cette page est représentée dans le Tobii Communicator.

L’insertion des pages de l’album dans le système de commande oculaire de la fillette lui permet de faire des liens – spontanés ou suggérés – entre le texte et sa vie personnelle, grâce auxquels elle démontre sa capacité de lecture ou sa compréhension du sujet enseigné dans un milieu scolaire intégré. Par exemple, citons le cas d’une adolescente qui suivait un cours de biologie de 10e année avec des jeunes de son âge en septembre. À partir de son ordinateur, l’enseignant projeta une photo d’un papillon sur le tableau blanc de la classe. Dès qu’elle vit le papillon, l’adolescente parcourut immédiatement les nombreuses pages de son Tobii C-12 muni du PCEye Module, jusqu’à ce qu’elle trouve son album et la page « News » qui décrivait les expériences qu’elle avait vécues au cours d’une sortie scolaire au Musée des sciences naturelles au mois de mai précédent. Pendant qu’elle visitait une volière remplie de papillons en liberté, un papillon s’était posé sur son fauteuil roulant, puis sur sa tête et enfin sur le téléphone cellulaire d’un des accompagnateurs (Figure 18). Des photos de ces événements figuraient dans les pages de son album. Dans ce cas, l’adolescente a spontanément démontré l’existence d’un lien entre le sujet étudié – les papillons – et ses propres expériences de vie.

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Figure 18. Capture d’écran d’un album ou de la page du récit de la sortie scolaire d’une adolescente au Musée des sciences naturelles, créée par Judy Lariviere. Cette page est représentée dans le Tobii Communicator.

Accès à un système basé sur le langage

Les fillettes ont aussi besoin d’accéder à un système basé sur le langage, c’est-à-dire doté d’un vocabulaire de base permettant de générer des phrases. Tous les systèmes de commande oculaire sont munis de tels systèmes, par exemple le langage Unity pour l’appareil Accent 1200 de la compagnie Prentke Romich, doté de l’oculomètre NuEye TM et du logiciel NuVoice TM 2.0, et les applis SonoFlex, Picture WordPower et LiterAACy pour la série des Tobii-I ou le Tobii EyeMobile. Avoir accès de manière autonome à un système de langage intégré au dispositif de communication permet aux fillettes de créer des messages personnalisés. Il m’est souvent arrivé de voir des fillettes entamer spontanément une conversation et naviguer parmi différentes pages d’un système de langage, pour ensuite créer « à chaud » un message comportant entre un et quatre mots, tout à fait pertinent dans le contexte de la situation. Ainsi, une adolescente était assise dans son fauteuil roulant poussé par un aide-enseignant pour la conduire vers sa classe de mathématiques. Son Tobii, installé sur un support de son fauteuil roulant, était allumé pour qu’elle puisse communiquer. Un groupe d’enseignants de mathématiques de son école s’étaient rasé la tête dans le cadre d’une levée de fonds pour l’organisme « Locks of Love ». Aussitôt qu’elle aperçut son enseignant de mathématiques, la jeune fille navigua immédiatement vers l’appli Picture WordPower TM à partir de son ensemble de pages de conversation, passant d’une page à une autre, puis sélectionna le mot « barber » (barbier) et regarda son enseignant. À titre d’exemple supplémentaire, une fillette de 10 ans était très excitée à l’idée de participer à un récital de musique avec les élèves de sa classe. Elle arriva à l’école habillée d’une robe. Aussitôt assise à son bureau, elle s’empressa de naviguer vers l’appli Picture WordPower TM et de combiner mots et symboles pour formuler le message suivant : « Je suis jolie. J’ai envie de chanter. » Si elles n’avaient pas eu accès à un système de langage doté d’un vocabulaire étendu de mots présentés séparément, et si on ne leur avait pas fourni régulièrement des exemples d’utilisation de ces mots dans des contextes naturels de communication à la maison et à l’école, ces fillettes ne seraient pas parvenues à exprimer leur pensée. Généralement, les fillettes font une meilleure utilisation de leurs systèmes de langage lorsqu’elles se retrouvent dans un contexte naturel chargé d’émotion, car elles utilisent alors leurs yeux et l’influence de leur apraxie sur leurs sélections est réduite au minimum.

Présumer qu’une fillette est compétente vous permet de mieux comprendre ce qu’elle veut exprimer et quels sont ses apprentissages. N’oubliez pas que ses sélections sont significatives! En cas de doute, consultez ses parents pour vous guider.

Les fillettes font également appel à leurs systèmes de communication pour partager de l’information ou raconter à leurs partenaires de communication des événements qu’elles ont vécus. Il importe que les partenaires de communication qui travaillent avec des fillettes utilisant des systèmes de commande oculaire présupposent qu’elles sont compétentes. Bien qu’il puisse arriver qu’une fillette exprime une idée qui semble hors contexte, sa sélection a toujours une signification, même si elle ne s’applique pas telle quelle à la situation. Par exemple, un jour, une mère est venue laisser son adolescente à l’école. Celle-ci prenait habituellement l’autobus, mais ce matin-là, mère et fille étaient en retard. Aussitôt que l’adolescente s’est assise dans son fauteuil roulant et que son Tobii a été mis en marche, elle s’est empressée de naviguer vers l’appli Picture WordPower TM, s’est rendue à la page « People » (Personnes), a sélectionné « brother » (frère), puis est revenue automatiquement à la page principale. Elle s’est ensuite rendue à la rubrique « Toys and Games » (Jouets et jeux), puis a sélectionné à plusieurs reprises l’icône « Lego ». Son enseignant et l’aide-enseignant ont manifesté leur accord en disant « Nous savons que Matthew aime jouer avec ses Lego ». À la fin de la journée, lorsque la mère est venue chercher l’adolescente à l’école, l’aide-enseignant lui a raconté que la jeune fille avait sélectionné « brother » et « Lego » sur son Tobii en arrivant le matin. La mère raconta alors ce qui s’était produit le matin en venant à l’école. Matthew, le jeune frère de la fillette, avait échappé son montage Lego, qui était tombé en morceaux, et certaines des pièces étaient allées se loger sous le siège automatique qui permet à la fillette d’entrer et de sortir du véhicule. Matthew avait alors « piqué une crise » et la mère avait craint que les pièces du Lego brisent le moteur du siège. Bref, un vrai désastre! L’adolescente avait donc partagé cette expérience avec son enseignant et son aide-enseignant à l’aide de son Tobii, avec précision et en parfait contexte avec l’événement dramatique de ce matin-là. La communication de fillettes et de femmes à l’aide de la technologie oculaire peut donner lieu à des moments de communication incroyables et étonnants alors qu’on s’y attend le moins.

Il importe qu’une fillette puisse accéder à son système de commande oculaire dans le plus grand nombre de situations naturelles possible. Ce système représente sa « voix » : il ne devrait donc y avoir aucune restriction quant aux moments où la fillette peut utiliser sa voix pour communiquer. Cela suppose souvent que l’on dispose de deux systèmes de fixation différents pour favoriser l’accès de la fillette à son dispositif dans plusieurs situations différentes. Par exemple, pour les fillettes qui peuvent marcher sans aide, on pourrait prévoir un support sur roulettes à la maison, de même qu’un autre support sur roulettes ou encore un système de fixation à une table pour l’école. Les fillettes qui nécessitent de l’aide pour se tenir debout ou pour marcher ont souvent besoin d’une rallonge de table pour pouvoir se rapprocher des tables et d’une fixation pour leur fauteuil roulant afin qu’elles puissent avoir accès à leur « voix » lorsqu’elles sont dans des endroits publics, en particulier lorsqu’elles magasinent dans des centres commerciaux. Les fillettes ont aussi besoin de prendre du temps pour explorer le vocabulaire et les pages de leur système par elles-mêmes, sans avoir à répondre à des demandes ou à des attentes. Ces occasions se présentent souvent à la maison, dans un cadre familier (Figure 19).

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Figure 19. Photo d’une adolescente de quinze ans assise sur son lit et explorant le vocabulaire et les pages programmées dans son Tobii C15 muni du module PCEye. Le dispositif est fixé à un support sur roulettes de marque Ideas.

Lorsque, grâce à la technologie oculaire, on fournit à des patientes la possibilité d’accéder de manière simple et autonome à leur « voix », on les voit exprimer leur vraie personnalité. Elles engagent des conversations et nous montrent ce qu’elles connaissent et ce qu’elles ont appris. Les possibilités sont infinies !

Références

Biel, L. (2014). Sensory Processing Challenges: Effective Clinical Work with Kids and Teens. New York, NY: Norton & Company, Inc.

Biel, L., & Peske, N. (2009). Raising a Sensory Smart Child: The Definitive Handbook for Helping Your Child with Sensory Processing Issues. New York, NY: Penguin Group.

Djukic, A., & McDermott, M.V. (2012). Social preferences in Rett syndrome. Pediatric Neurology 49:240-242.

Djukic, A., McDermott, M.V., Mavrommatis, K., & Martins, C.L. (2012). Rett syndrome : Basic features of visual processing – A pilot study of eye-tracking. Pediatric Neurology 47:25-29.

Erickson, K. (2007, March). Attitudes Towards AAC Users. Paper presented at the annual conference of California State University Northridge (CSUN). Los Angeles, CA.

King-DeBaun, P. (2012). Jumpstart AAC for students with severe and multiple disabilities. Closing the Gap Newsletter, 10-14.

Lariviere, J. (2007). Exploring options for access: Enhancing communication and learning for girls with Rett Syndrome. Technology Special Interest Section Quarterly 17(4) 1-4. http://store.ablenetinc.com/press/news/sp_int_sec_quarterly_12_07s.pdf

Taylor, J. (2006). Practical Strategies and Interventions for Sensory Processing Disorder in Children and Adolescents, Foster City, CA.

Ressources

The Dynamic Communication Book www.creativecommunicating.com

Email Judy (judy@assistivetech4all.com) a photo or screenshot of the receipt/confirmation Creative Communicating sends you and Judy will send content in her copyrighted eye gaze layout designed for individuals with Rett Syndrome to you electronically

Eye Gaze Trial Page Set in Tobii Communicator (for individuals with Rett Syndrome) www.assistivetech4all.com

Eye Gaze Video Player for Children and Eye Gaze Video Player for Teens in Tobii Communicator www.assistivetech4all.com

Eye Gaze Music Player for Children and Eye Gaze Music Player for Teens in Tobii Communicator www.assistivetech4all.com

From Eye Gaze Trials to Device – online course through Rett University http://www.rett-u.org/

Ideas Rolling Floor Stand http://ideasfil.com/

Picture WordPowerTM www.inmaninnovations.com

Accent 1200 with NuEyeTM Tracking System and NuVoiceTM 2.0 www.prentrom.com

Tobii I-series, Tobii EyeMobile, Tobii Gaze Viewer www.tobiiati.com

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